Presque 60 ans plus tard, Karl-Friedrich et Caroline Scheufele narrent cette anecdote, installés au salon, dans le siège genevois de Chopard, aujourd’hui une maison d’envergure internationale. Et ils racontent l’histoire avec leur père. Voilà longtemps qu’ils se partagent la direction de cette entreprise de 2000 employés dans le monde – Caroline est responsable du pôle bijouterie et Karl-Friedrich supervise le pôle horlogerie.
Le fait que le frère et la sœur connaissent l’histoire de l’entreprise sur le bout des doigts est lié à l’histoire familiale. Depuis tout petits, ils ont grandi dans l’entreprise, partageant la table des partenaires commerciaux quand ces derniers venaient à la maison, parcourant joyeusement les longs couloirs de l’entreprise sur la chaise de bureau de leur père ou serrant dans leurs mains des diamants étincelants. Chez les Scheufele, vie professionnelle et vie de famille faisaient bon ménage.
Il est une chose, toutefois, que personne ne pouvait deviner: le rachat de Chopard ne marquait pas seulement l’entrée de la famille Scheufele et de la marque genevoise dans l’histoire. Il préfigurait également la réussite d’une succession couronnée de succès.
Peu à peu, en effet, ses enfants furent associés aux responsabilités. Et c’est tout jeunes qu’ils commencèrent à soumettre leurs idées qui, à défaut d’emporter systématiquement l’adhésion de leurs aînés, suscitaient au moins leur enthousiasme. Certaines de ces idées se présentèrent après coup comme de véritables aubaines.
Polir les montres et porter les valises
Karl-Friedrich Scheufele n’avait que seize ans quand il eut le droit d’accompagner son père Karl en voyage d’affaires à Vienne. Il put voir le patron à l’œuvre et fut chargé d’enregistrer les commandes. Il avait également pour tâche de porter les valises et de polir les montres, le soir venu, pour qu’elles brillent de mille feux le lendemain. Sa sœur cadette Caroline relate des expériences du même ordre. «Nous avions le droit de nous rendre dans tous les lieux intéressants», se souvient-elle – comme au salon de l’horlogerie à Bâle. Le stand de Chopard était encore assez petit et tout le monde devait mettre la main à la pâte.