Zurich, 6. juillet 2022 – L’économie suisse devrait perdre de son dynamisme au cours des prochains trimestres, mais la croissance devrait rester positive. Elle profite cette année du potentiel de rattrapage après la crise du coronavirus et du relèvement rapide quoique relativement faible des taux d’intérêt par la Banque nationale suisse (BNS). Les économistes du Chief Investment Office d’UBS Global Wealth Management (UBS CIO GWM) tablent sur 2,4% de croissance du PIB cette année et de 0,9% l’an prochain.
Outre la forte inflation, des pénuries au niveau des chaînes d’approvisionnement et une politique monétaire globale plus restrictive, c’est surtout la question de la sécurité énergétique qui a récemment créé des risques qu’il s’agira de gérer au cours des prochaines années. Se posent dès lors les questions: où en est la Suisse? Et est-elle bien préparée?
Arrêt brutal des livraisons en provenance de Russie: risque maximal de récession
Arrêt brutal des livraisons en provenance de Russie: risque maximal de récession
A court terme, un arrêt des livraisons énergétiques pourrait assombrir les perspectives conjoncturelles. Un embargo complet ou un arrêt brutal des livraisons russes entraînerait une nouvelle et forte augmentation des prix de l’énergie et pourrait s’accompagner de rationnements du gaz. Alessandro Bee, économiste au sein de la Recherche d’UBS, ne table pas actuellement sur un tel scénario, mais le risque a fortement augmenté.
L’économie suisse est peu vulnérable à des prix élevés de l’énergie. Par rapport à l’ensemble de leurs dépenses, les ménages helvétiques consacrent deux fois moins de moyens que dans l’UE. Mais si un embargo entraîne une récession dans la zone euro, la menace serait la même ici en raison de l’effondrement des exportations vers l’UE. Le degré comparativement plus élevé de résilience de la Suisse permettrait néanmoins d’amortir le choc.
Politique énergétique: supprimer des obstacles imposés à soi-même
Politique énergétique: supprimer des obstacles imposés à soi-même
A moyen terme également, des défis se posent. D’ici fin 2025, les exploitants de réseau de l’UE devront réserver au moins 70% de leurs capacités disponibles pour le marché intérieur européen. Avec l’échec de l’accord-cadre avec l’UE, un accord sur l’électricité n’est pas à l’ordre du jour. C’est pourquoi les capacités d’importation de la Suisse sont limitées, ce qui, à l’avenir, pourrait entraîner l’hiver une pénurie d’électricité.
La disponibilité ininterrompue de l’électricité est une condition fondamentale au fonctionnement sans heurts de l’économie digitale dont l’importance ne cesse de croître. Le risque d’une pénurie d’électricité peut évoluer jusqu’à nuire significativement à la compétitivité de la Suisse.
A long terme, l’abandon des combustibles fossiles et de l’énergie nucléaire créera un important déficit en électricité. Afin de combler cette lacune par les capacités solaires nécessaires dans les décennies à venir, les projets doivent être réalisables dans des délais raisonnables.
La Suisse est relativement résiliente par rapport aux chocs énergétiques et forte dans le domaine de l’énergie hydraulique. Elle est donc parée au mieux pour relever les défis en matière de sécurité énergétique. Mais elle doit éviter de se créer elle-même des obstacles en chemin. Au plan des relations commerciales transfrontalières, des voies doivent être trouvées pour continuer à développer la collaboration avec l’UE dans le domaine de l’énergie malgré le refroidissement des relations. Dans le contexte d’un mix énergétique durable, il est indispensable de lever des obstacles administratifs et juridiques pour accélérer la construction de nouvelles capacités de production.
Augmentation des taux d’intérêt de la BNS: brève et forte
Augmentation des taux d’intérêt de la BNS: brève et forte
Les prix de l’énergie en augmentation amplifient l’inflation générale et conduisent inéluctablement à un revirement de tendance au niveau des taux d’intérêt. Malgré l’inflation relativement modérée, la BNS a rapidement enclenché un cycle d’augmentation des taux d’intérêt – avant même la Banque centrale européenne. Chef économiste d’UBS Suisse, Daniel Kalt, prévoit que «la BNS va poursuivre la politique monétaire choisie et que les taux directeurs atteindront 0,75% d’ici mars 2023». Suite à cette «action choc préventive», l’inflation devrait revenir dans la fourchette cible de la BNS de 0 à 2% en 2023. Après 2,7% en 2022, les prévisions annoncent une inflation à 1,5% pour l’an prochain.
Si la BNS réussit à contenir l’inflation par ce relèvement rapide mais important des taux directeurs, elle devrait pouvoir renoncer à toute nouvelle intervention à ce niveau dès le milieu de l’année prochaine. Une fin rapide des augmentations de taux de la BNS aurait aussi une incidence sur les taux d’intérêt à long terme. Ceux-ci pourraient ainsi rester dans la fourchette actuelle avec de fortes fluctuations, au cours du deuxième semestre, avant même de reculer à nouveau en 2023.
La grande différence d’inflation entre la Suisse et la zone euro ou les Etats-Unis est liée au prix de l’énergie et s’avère un attrait majeur pour ces paires de devises. La vraie valeur du dollar par rapport au franc suisse est dorénavant de 0,80 franc pour un dollar et de légèrement moins de 1,00 franc pour un euro. Dans un contexte dominé par les problèmes de conjoncture et du fait de l’attitude plutôt agressive de la BNS au second semestre, le franc devrait prendre de la valeur par rapport au dollar et à l’euro. La BNS pourrait à l’avenir tolérer que le cours de l’euro par rapport au franc descende sous la marque de 1,00.
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Daniel Kalt
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daniel.kalt@ubs.com
Alessandro Bee
Économiste, UBS CIO GWM
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