Zurich, le 11 avril 2024 – Alors qu’il y a vingt ans, près de 60% des ménages étaient en mesure d’acquérir un logement de prix médian, cette proportion est actuellement estimée à 15% seulement, soit 660 000 ménages. Les primo-accédants potentiels n’ont souvent d’autre choix que de déménager dans des régions moins onéreuses, éloignées des grands centres. Devenu plus fréquent, le télétravail joue toutefois en leur faveur : cela leur permet d’accepter des trajets pendulaires plus longs. En conséquence, les logements en propriété situés dans des régions relativement bon marché, comme le canton de Fribourg ou la Suisse orientale, ont vu leurs prix augmenter plus que la moyenne, d’environ 4% en 2023. A l’autre extrême, on trouve les grands centres traditionnellement chers où les prix des logements ont même légèrement reculé. Comme par exemple dans les régions de Genève et de Bâle.
Un marché dit « de vendeurs » n’est donc pas encore en vue. En effet, dans le contexte actuel de croissance économique poussive, un nouveau boom tel qu’on l’a connu pendant la pandémie reste peu probable. Néanmoins, grâce à l’afflux d’immigrants relativement fortunés et à la forte progression des revenus supérieurs, le vivier d’acheteurs potentiels reste suffisamment important pour laisser espérer des hausses supplémentaires des prix. Sur l’ensemble de 2024, les appartements en PPE en Suisse devraient s’apprécier de 1,5% et les maisons individuelles de 1,0%. A partir de 2025, la baisse des coûts de financement, la pénurie de logements et la reprise conjoncturelle devraient toutefois stimuler une dynamique plus forte des prix à la hausse.
Le choc des taux d’intérêt atténué pour les immeubles locatifs
Sur le marché locatif, en 2023, les prix à l’offre ont augmenté de près de 5% sur un an – la plus forte hausse depuis quinze ans. Cette évolution devrait se poursuivre et ainsi au moins compenser les coûts hypothécaires plus élevés et la moindre attractivité des rendements attendus par rapport à d’autres placements. Par conséquent, les prix d’achat des immeubles locatifs se sont stabilisés. Ils devraient repartir à la hausse dès 2025 au plus tard. En effet, après la baisse des taux directeurs de mars, deux autres sont attendues cette année, tandis que la construction de logements ne donne pas de signe de reprise.
L’atonie de la construction résidentielle s’explique d’une part par des raisons cycliques : l’offre régionale ponctuellement excédentaire et la démographie fléchissante ont causé, dans des cantons importants comme Vaud et Argovie, une réduction de moitié des demandes de permis de construire par rapport à la décennie précédente. D’autre part, la loi sur l’aménagement du territoire entraîne un ralentissement structurel de l’activité de construction. Dans les zones à bâtir existantes, la plupart des terrains constructibles restants sont mal desservis ou fortement morcelés, ce qui complique de plus en plus les projets de grande ampleur. En outre, l’augmentation des coûts de construction et de financement ainsi que les obstacles administratifs ont creusé l’écart entre les demandes de permis et les autorisations de construire. Alors que le nombre de logements projetés oscille autour de 46 000, moins de 35 000 nouvelles unités ont obtenu un permis de construire l’an passé – la plus grande différence depuis une trentaine d’années. Les obstacles structurels dus à la réglementation accrue du marché locatif brident donc la reprise de la construction.
Le droit locatif, un risque crucial pour les investisseurs
Au total, environ 30% du parc locatif suisse sont aujourd’hui soumis à des réglementations liant les loyers aux coûts, ou à des limitations sur le droit de préemption ou sur l’augmentation des loyers. Si toutes les mesures supplémentaires actuellement prévues étaient mises en œuvre, cette proportion passerait à près de 50% du parc résidentiel. Le contrôle des loyers, en particulier, peut influer fortement sur les valeurs immobilières. A Bâle-Ville , la réglementation dite « protection du logement » devrait avoir entraîné des dépréciations de 10% à 15%. En ville de Zurich, une mesure comparable causerait des corrections encore plus importantes, pouvant aller jusqu’à 30%. En outre, le contrôle des loyers décourage les efforts en faveur de la durabilité.
Durabilité : des incitations financières insuffisantes pour les rénovations
En pleine transition énergétique, il devient de plus en plus difficile de maintenir le rythme de rénovation nécessaire. A l’heure actuelle, les rénovations énergétiques ne portent en général que sur des objets qui ne présentent pas d’obstacles notables sur le plan structurel.
En effet, les incitations financières à la rénovation énergétique des immeubles locatifs sont globalement trop faibles, malgré les subventions et les avantages fiscaux. Pour les propriétaires, les augmentations de loyer sur les baux en cours ne compensent pas suffisamment leurs dépenses d’assainissement.
Par exemple, pour les bâtiments situés dans les vieilles villes des grands centres, les coûts dépassent nettement les recettes supplémentaires potentielles. Ainsi, dans les villes où il n’existe pas de réseau de chauffage urbain, la part des bâtiments construits avant 1920 et chauffés aux énergies fossiles demeure proche de 90%. De manière générale, les cantons moins avantagés sur le plan du bâti risquent de voir les rénovations ralentir. En effet, plus le niveau des loyers est bas et plus la charge fiscale est élevée, moins les mesures de rénovation sont intéressantes.
Le marché des surfaces de bureaux en pleine mutation
En 2023, les prix d’achat des surfaces de bureaux ont été sous pression. Suite à la hausse des taux d’intérêt, ils ont chuté de 10% à 15% dans les emplacements les plus cotés. En outre, la liquidité des marchés périphériques reste faible et, pour les bâtiments anciens en particulier, de fortes baisses de prix sont nécessaires pour attirer les acheteurs. Les valeurs comptables ont elles aussi dû être revues à la baisse.
Depuis la pandémie, l’absorption des surfaces de bureaux a été inférieure à la moyenne car les entreprises s’adaptent à la généralisation du télétravail. Le taux de vacance caché, dû aux postes de travail temporairement délaissés en faveur du bureau à domicile, devrait avoir doublé par rapport à l’avant-pandémie, pour atteindre une moyenne hebdomadaire d’environ 20%. Une remontée généralisée des loyers n’est donc pas pour demain. Cela dit, la correction des prix sur le marché des transactions dans les emplacements de premier ordre devrait être en grande partie terminée.
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