Nombre d’entrepreneurs ont de la peine à passer la main, car ils cherchent à préserver l’œuvre d’une vie ainsi que la réputation et les emplois de l’entreprise. Le facteur émotionnel joue donc un grand rôle. S’il n’est pas toujours possible de trouver un successeur au sein de la famille, la vente à un tiers risque de mettre en péril l’identité de la société, surtout quand son succès dépend dans une large mesure du savoir-faire et du réseau d’affaires du propriétaire et de ses cadres.
Une reprise par l’équipe dirigeante en place – management buy-out (MBO) – peut alors apparaître comme la situation idéale. Le vendeur et l’acheteur doivent prendre leur temps. Jusqu’à cinq ans idéalement. Il faut savoir qu’un MBO est une opération complexe du point de vue juridique, financier et fiscal. Y a-t-il plusieurs propriétaires et des héritiers à prendre en compte ? Comment éviter de lourdes charges fiscales ? Faut-il vendre au préalable les bâtiments de l’entreprise pour ne pas mettre trop de pression sur les nouveaux propriétaires ? Les acheteurs disposent-ils de suffisamment de fonds propres ?
Transparence incontournable
Il s’agit donc de déterminer si les cadres sont motivés à 200 % par le buy-out et s’ils sont capables de relever les défis qui les attendent. L’opération requiert ainsi de la transparence et une bonne politique d’information, car si des pions importants font faux bond, l’entreprise perdra une part substantielle de sa valeur. Une situation qui peut même faire obstacle à l’octroi d’un financement bancaire. Autre point essentiel : les clients clés doivent être avertis du changement de direction. Les patrons veilleront à composer une équipe équilibrée, présentant un mix de tranches d’âge adéquat. Un bon cadre ne devient pas forcément un patron responsable. La pression est plus importante et aux tâches habituelles viennent s’ajouter la responsabilité financière et les ressources humaines. En outre, quand plusieurs personnes sont liées par le sort, il y a un risque de conflits, surtout au vu des engagements financiers personnels.
Et ce qui est vrai pour un MBO l’est en grande partie pour un MBI (« management buy-in »), à savoir quand un manager – ou une équipe de managers – externe prend le relais.
Le MBI, une question de doigté
Lors d’un MBI, la continuité est davantage en péril. Des démissions ou un phénomène de rejet ne sont pas à exclure. Les capacités de gestion des acquéreurs, leur expérience sectorielle et leur réseau de relations jouent donc un rôle important.
Quand un propriétaire opte pour un MBI, il est essentiel qu’il obtienne des références fiables des repreneurs avant de conclure la vente.
D’un point de vue financier, un MBO ou un MBI tient généralement la distance si le prix d’achat peut être réglé intégralement ou en partie avec le cash-flow futur de l’entreprise. Un endettement minimal de la société constitue donc un gage de succès. Si les acheteurs ont besoin d’emprunter, on parle d’un « leveraged buy-out ». Il peut d’ailleurs être utile de créer une propre société de reprise avec l’aide de spécialistes, qui contribueront à la fois à définir des garde-fous dans le contrat d’achat et à préciser les mécanismes juridiques du financement. Sans toutefois oublier l’élaboration d’une convention d’actionnaires.
« Un MBO ou MBI bien conçu est souvent plus efficace qu’une succession intrafamiliale. »
Patrick Forte, UBS Transaction Advisory
L’endettement minimal a la cote
L’expérience montre qu’un endettement élevé réduit la marge de manœuvre des repreneurs lors d’un MBO. Les crédits d’acquisition sont a priori porteurs d’intérêt et doivent être remboursés dans les cinq à sept ans. Les nouveaux propriétaires ont besoin pour cela de fonds privés ou d’importants dividendes, qui prétéritent les liquidités, les fonds propres et la capacité d’endettement. Pour qu’elle puisse surmonter les fluctuations conjoncturelles, sa capacité bénéficiaire (cash-flow disponible) doit également être suffisante quand la marche des affaires est moins réjouissante.
Bon nombre de MBO / MBI ne se montent qu’au prix de concessions financières du vendeur, de conditions de paiement rabotées ou d’un prêt assorti d’une déclaration de postposition. Pourtant, les vendeurs responsables devraient avoir pour principe de n’avaliser que les solutions de financement que, de leur côté, ils estiment raisonnables et économiquement viables. Il en va explicitement de la survie de l’entreprise sur le marché.
Le facteur émotionnel
Une vente à la direction rapportera fort probablement moins qu’une cession à des investisseurs ou à une entreprise animée d’intentions stratégiques. Un MBO apporte généralement davantage de satisfactions sur le plan émotionnel : l’équipe en place connaît les points forts et faibles de la société, garantit la continuité au niveau de la philosophie, de la stratégie et du savoir-faire, tout en offrant une plus grande sécurité au personnel et aux clients. Un MBO ou MBI bien conçu se montre souvent plus efficace qu’une succession intrafamiliale. Les analyses font preuve d’une plus grande neutralité et la capacité d’innovation et la dynamique sont, elles, supérieures.
Terminologie: MBO et MBI
Terminologie: MBO et MBI
Management buy-out (MBO)
Le « management buy-out » intervient lorsque la direction d’une entreprise procède au rachat de la majorité des parts de cette dernière.
Management buy-in (MBI)
Le « management buy-in » intervient lorsque la majorité des parts d’une entreprise est rachetée par un cadre (ou une équipe de cadres) externe.
Leveraged buy-out
En général, un MBO n’est pas financé sur le patrimoine privé des repreneurs, mais en grande partie avec des capitaux de tiers (crédit accordé par l’ancien propriétaire ou par la banque). On parle alors d’un « leveraged buy-out ».
Bénéfice d’exploitation
Le bénéfice d’exploitation est le solde obtenu quand on soustrait les charges des revenus. Le montant corrigé des revenus et des charges sans effet de trésorerie ainsi que du résultat neutre est appelé « bénéfice de l’entreprise ».
Cash-flow disponible
Ce terme désigne le bénéfice d’exploitation après impôts, majoré des amortissements et une fois déduction faite des investissements en actifs immobilisés et circulants.
Contrat d’achat MBO / MBI
Le contrat d’achat d’un MBO / MBI opère souvent une distinction entre les droits et obligations prenant effet à la signature et l’exécution de ces obligations. Il s’agit de prévoir des règles claires par rapport aux conséquences juridiques des violations de contrat.
Convention d’actionnaires
Cette convention régit tous les droits et obligations des actionnaires et définit notamment les droits de préemption des autres actionnaires.
Informations sur l’auteur
Informations sur l’auteur
Patrick Forte est responsable UBS Transaction Advisory pour plusieurs régions de Suisse. Avec son équipe, il conseille principalement des patrons de PME et des groupes de cadres en quête d’un financement pour un MBO ou un MBI.