Bin Shi
Head of China Equities

Au premier trimestre 2023, les investisseurs étaient d’un optimisme remarquable à l’égard de l’investissement en Chine, dans le sillage de la pandémie. Mais cet optimisme n’a malheureusement pas duré puisque la plupart des actions ont décroché après le printemps, laissant les investisseurs frustrés pour le reste de l’année et découragés à l’entame de 2024.

Aujourd’hui, bien que les actions chinoises de l’indice CSI 300 aient chuté d’environ 40 % par rapport au pic atteint il y a trois ans, elles sont en hausse depuis février. Il faudrait plus que les données d’un seul mois pour pouvoir parler de tendance haussière, mais nous pensons que nous assistons peut-être à un début de reprise. La moindre bonne surprise pourrait provoquer une inversion de tendance et faire de 2024 l’image miroir de 2023. Pour plusieurs raisons, nous sommes redevenus plus optimistes à l’égard des actions chinoises que nous l’étions l’an dernier.

Politique et réglementation

Tout d’abord, le ton de l’environnement réglementaire chinois a changé. Comme le mouvement d’un pendule, la réglementation chinoise a tendance à basculer d’un côté à l’autre. Une partie des règles et des contrôles annoncés il y a deux ou trois ans sont en train d’être retirés, en partie en raison de leur rejet par l’industrie et du ralentissement de l’économie. Néanmoins, le changement de direction peut paraître lent et il prendra du temps.

Cela dit, il est facile pour les investisseurs de trop se concentrer sur les dégâts causés par le passé, sans se rendre compte que l’environnement réglementaire a été assoupli. À titre d’exemple, on peut citer le projet de proposition prévoyant de nouvelles restrictions pour les jeux en ligne, qui, à la fin de l’année dernière, avait provoqué une réaction démesurée du marché avant d’être rapidement écarté. Cet épisode suggère que le sentiment des investisseurs reste extrêmement pessimiste quand bien même l’attitude des hauts responsables politiques à l’égard de la réglementation a basculé dans la direction opposée. Au total, 322 jeux avaient été autorisés dans le mois et demi suivant l’annonce du projet de proposition.

De manière plus générale, le gouvernement se montre plus proactif en matière de soutien budgétaire et monétaire. Malgré un appétit limité pour un plan de relance massif, les mesures politiques ciblées se sont multipliées ces derniers mois, avec notamment la réduction des réserves obligatoires des banques et des taux d’intérêt, le financement de projets immobiliers inachevés et des achats d’actions par des véhicules d’investissement publics.

Les fonds garantis par l’État soutiennent le marché

Une partie des mesures politiques ciblées prises récemment pour soutenir l’économie et les marchés passe par l’achat par l’État d’actions A et d’ETF.

Ce diagramme en bâtons détaille les achats d’actions réalisés par des véhicules d’investissement publics afin de soutenir le marché boursier entre 2015 et 2023.

Le gouvernement entend donner la priorité à la croissance, ce qu’il a clairement fait savoir lors des deux sessions récentes, un événement politique clé à ne pas rater pour les observateurs qui souhaitent rester informés des objectifs économiques et des signaux politiques envoyés par le pays. Les responsables politiques ont fixé le même objectif de croissance du PIB d’environ 5 % pour cette année, et se sont engagés à mettre l’économie sur la voie d’une croissance durable en transformant le modèle de développement actuel tout en s’efforçant de chasser le spectre de la crise immobilière et de l’endettement local. Outre une émission hors budget de bons du trésor à très long terme de 1,000 milliards CNY, les mesures de relance proposées sont relativement modérées et conformes aux attentes. Ceux qui appellent à un vaste plan de relance ou à des changements politiques plus audacieux pour stimuler l’économie encore atone à court terme et corriger les déséquilibres structurels à long terme pourraient être déçus.

Compte tenu de tout ce qui a été annoncé, la réaction du marché aux mesures de relance a été modérée. Et même si les mesures de relance supplémentaires décidées cette année ne tiennent pas la comparaison face à celles de 2008 et 2015, il semblerait que leur ampleur ne soit pas le facteur déterminant ici. Au-delà des apparences, la situation actuelle est un problème de confiance.

Les Chinois ont amassé et accumulé beaucoup de richesse au cours des 30 à 40 dernières années, et sans minimiser la destruction de richesse liée au marché immobilier ces trois dernières années, le patrimoine des ménages reste conséquent. Le tourisme domestique est un bon point de référence : les activités de voyage ont progressé de 5 à 7% chaque année depuis 2018, et atteint 120 % du niveau de 2019 lors du Nouvel An chinois cette année (sources : ministère de la Culture et du Tourisme, Wind, estimations UBS).

La richesse ne se traduit pas par de grosses dépenses ou par des investissements à long terme, sans doute parce que le manque de confiance s’est ancré dans l’esprit du grand public comme dans celui de certains entrepreneurs. Ces derniers sont dans l’expectative ; ils n’investissent pas de manière dynamique pour saisir les opportunités futures. Bien que les responsables politiques se soient engagés à apporter leur soutien, il en faudra plus pour rétablir la confiance des ménages et des entreprises. Quand la confiance sera rétablie, les mesures de relance auront bien plus d’impact qu’aujourd’hui.

D’une certaine façon, les investisseurs internationaux partagent le sentiment des consommateurs et des entrepreneurs chinois. Les capitaux internationaux quittent le marché boursier, si bien que les taux d’allocation à la Chine sont au plus bas depuis plusieurs années. Les investissements directs étrangers (IDE) sont orientés à la baisse, après avoir été brièvement négatifs l’an dernier avant de repasser en territoire positif en termes nets. Nous sommes moins préoccupés par les sorties de capitaux en tant que telles, car le système bancaire chinois est bien développé et suffisamment liquide. Cependant, les IDE n’ont pas que des avantages pécuniaires : les entreprises chinoises ont tiré de précieux enseignements de leur collaboration avec des entreprises étrangères, et la diminution des échanges est un revers qu’il faut surmonter.

Les stratégies des entreprises évoluent

Les entreprises chinoises sont souvent résilientes et promptes à s’adapter aux contextes de croissance incertains en déployant de nouvelles stratégies. Une bonne partie d’entre elles recherchent désormais de nouvelles opportunités de croissance à l’étranger, rivalisant avec succès avec des marques internationales bien établies sur les marchés mondiaux. D’autres font leur introspection et cherchent à maîtriser les coûts et à rationaliser leurs opérations pour les rendre plus efficaces.

Autrement dit, le ralentissement de la croissance économique n’est pas synonyme de baisse des rendements des actions. Cette absence de corrélation est peut-être un peu déroutante, mais l’exemple des opérateurs de services de télécommunication chinois illustre fort bien cette situation. La croissance de ces sociétés est depuis longtemps inférieure à 10 %, mais les performances globales sont bonnes ces derniers temps.

Ces entreprises trouvent différents moyens pour faire croître leurs bénéfices et améliorer leurs flux de trésorerie. Beaucoup d’entre elles automatisent une partie de leurs opérations et réduisent leurs coûts avec une grande efficacité, ce qui leur permet de redistribuer leurs surplus de liquidités aux actionnaires sous la forme de dividendes et de rachats d’actions. Leurs efforts contribuent à doper le cours des actions, ce qui signifie que les sociétés les mieux gérées seront en mesure de s’adapter et de prospérer dans un contexte de croissance plus modérée.

Les entreprises chinoises augmentent le rendement offert aux investisseurs via leurs dividendes et des rachats d’actions

De nombreuses sociétés bien gérées redistribuent leurs surplus de liquidités aux actionnaires sous la forme de dividendes et de rachats d’actions, ce qui contribue à doper les cours des actions.

Ce graphique linéaire montre les rendements des dividendes et des rachats d’actions des entreprises chinoises de 2010 à 2023.

Le meilleur moment pour investir

L’investissement en Chine a suscité un enthousiasme excessif par le passé, avec des valorisations exubérantes parfois difficiles à justifier. Le sentiment a tendance à devancer la réalité. Mais aujourd’hui, les commentateurs ne parlent plus que de l’effondrement de l’argumentaire d’investissement en Chine, ce qui semble excessivement pessimiste et injustifié face au prisme de la réalité, avec des entreprises compétitives à l’échelle mondiale, des valorisations attrayantes et une économie de grande taille dotée d’un fort potentiel de croissance.

Indéniablement, il est devenu plus difficile de générer de l’alpha avec les actions chinoises, mais de nombreuses opportunités d’investissement existent toujours. Dénicher ces opportunités nécessite une recherche fondamentale approfondie afin d’identifier les prochains leaders – ceux qui jouissent d’un avantage concurrentiel certain.

Nous privilégions toujours les entreprises solides, dotées d’un modèle économique différencié et éprouvé, et disposant de ressources financières suffisantes. Ce sont généralement ces entreprises qui sont en mesure de traverser les périodes difficiles et de rebondir fortement par la suite. Nous préférons une croissance soutenable sur le long terme à des sursauts de croissance à court terme, car le caractère éphémère de ces derniers se traduit généralement par un gonflement des cours. Quand l’enthousiasme se mêle à l’espérance, les valorisations peuvent atteindre des sommets, ce que nous essayons d’éviter.

L’histoire nous enseigne que le meilleur moment pour investir, c’est lorsque les anticipations et les valorisations sont faibles. Selon nous, il suffirait d’une bonne surprise pour que la classe d’actifs amorce un rebond, faisant de 2024 l’image miroir de 2023 pour les actions chinoises.

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