L’argent de poche, un facteur économique: les enfants et les adolescents empocheraient chaque année en Suisse quelque 650 millions de francs. Photo: iStock

Margrith von Holzen ne se qualifierait pas elle-même d’experte en argent de poche. Pourtant, elle l’est.

Cette sexagénaire tient depuis des années le kiosque d’un village dans la banlieue de Lucerne. L’emplacement idéal pour observer les habitudes de consommation des enfants et des adolescents qui, souvent, lui rendent visite quotidiennement.

Les enfants disposent de beaucoup d’argent, affirme-t-elle. «En tout cas plus que nous n’en avions autrefois.» Pour ce qui est des préférences des jeunes consommateurs, les choses n’ont en revanche guère changé au fil des décennies. «Les sucreries restent tout en haut de la liste d’achats.»

Les enfants doivent pouvoir s’acheter des bonbons

Un constat que confirme Marianne Heller. Responsable chez Pro Juventute du programme pour la prévention des dettes et la consommation, elle connaît comme sa poche les modes de consommation des enfants et des adolescents. D’un point de vue éducatif, il n’y a, selon elle, rien à redire à ce que les écoliers se rendent au kiosque avec leur pécule hebdomadaire.

«L’argent de poche a pour but premier d’initier les enfants à la gestion de leurs finances. L’enfant apprend que les choses ont un prix et il se fait une idée plus réaliste de ce qu’il peut se permettre.»

Mais il faut laisser à l’enfant la liberté de décider ce qu’il veut s’acheter, précise Marianne Heller, ce n’est pas l’affaire des parents. L’enfant apprend ainsi à assumer la responsabilité de ses actes.

Quand on parle d’argent

L’important, selon l’experte, c’est de parler d’argent dans la famille. «À partir de l’école secondaire, nous recommandons un versement mensuel plutôt qu’hebdomadaire de l’argent de poche», ajoute-t-elle. Cela élargit l’horizon temporel et permet de placer l’objectif un peu plus loin dans le futur. «Lorsqu’on discute avec l’enfant de ce qu’il aimerait avoir, on peut aussi aborder des sujets plus complexes, comme les économies ou encore les tentations de la société de consommation.»

Pour gérer les désirs d’achat, je recommande une répartition de l’argent de poche selon des objectifs d’économies à court, à moyen et à long terme. Si nécessaire, on peut influencer les choses subtilement. «L’enfant sera plus disposé à mettre une partie de son argent de poche dans sa tirelire s’il reçoit cinq pièces d’un franc plutôt qu’une pièce de cinq», suggère l’experte avec un clin d’œil.

Ne jamais priver d’argent de poche

Il faut éviter de prendre l’argent de poche comme une récompense ou une punition. Il ne doit ni être annulé ni être augmenté sans raison. Cela reviendrait à mélanger des concepts pédagogiques qui n’ont rien à faire ensemble, souligne Marianne Heller.

En même temps, l’enfant a la responsabilité de respecter les règles familiales même en ce qui concerne son argent de poche: «Si les sucreries sont interdites avant le repas du soir, cela vaut aussi pour les bonbons que l’enfant s’est achetés.»

Pour toutes les classes d’âge, Pro Juventute recommande de se référer au barème de Budget-conseil Suisse (voir plus bas). La règle d’or: un franc par année de primaire. «Cela dit, l’argent de poche doit finalement correspondre au budget de la famille», poursuit Marianne Heller. «L’argent de poche est une occasion de familiariser les enfants avec la gestion de l’argent, mais ce n’est pas une nécessité.»

Marianne Heller ne saurait juger dans quelle mesure les parents suisses s’en tiennent aux recommandations de Budget-conseil Suisse. Bien sûr, dans le cadre du travail quotidien, il arrive régulièrement de rencontrer des cas extrêmes, mais ceux-ci ne sont pas représentatifs. Une étude de l’institut GfK datant de 2006 a évalué les recettes annuelles – argent de poche et cadeaux financiers réunis – des enfants de 6 à 17 ans en Suisse à près de 650 millions de francs.

L’industrie le sait depuis longtemps: l’argent de poche est un facteur économique, les mineurs un groupe cible très prometteur. Selon une étude allemande, les souhaits des enfants et des adolescents influencent jusqu’à un quart des décisions d’achat des adultes.

L’inégalité des sexes dans la tirelire?

Depuis peu, l’argent de poche est même le sujet d’une jeune discipline scientifique en matière de recherche sur le genre. Une enquête de la banque britannique Halifax aurait révélé que les garçons reçoivent en moyenne 12% de plus d’argent de poche que les filles. Lors d’un sondage, les Landesbausparkassen allemandes sont même parvenues à un écart de près de 19% entre les sexes. Il y a de quoi s’inquiéter: les inégalités hommes-femmes commenceraient-elles dès l’école primaire? Cela n’est pas à exclure. En revanche, il est facile d’y remédier.

Combien d’argent de poche?

Budget-conseil Suisse (ASB) recommande le versement régulier d’argent de poche, qui ne doit être soumis à aucune condition.

Année scolaire

Année scolaire

Montant

Montant

Versement

Versement

Année scolaire

1re année

Montant

1 franc

Versement

par semaine

Année scolaire

2e année

Montant

2 francs

Versement

par semaine

Année scolaire

3e année

Montant

3 francs

Versement

par semaine

Année scolaire

4e année

Montant

4 francs

Versement

par semaine

Année scolaire

5e/6e année

Montant

20-30 francs

Versement

par mois

Année scolaire

7e/8e année

Montant

30-40 francs

Versement

par mois

Année scolaire

9e/10e année

Montant

40-50 francs

Versement

par mois

Dès l’âge de 13 ans, Pro Juventute recommande le versement d’un «salaire jeune», grâce auquel les adolescents peuvent financer de manière autonome une part plus importante du coût de leur vie.